"J'ai dû tout quitter"

 

Pascaline a passé 20 jours dans la brousse avec ses enfants

Portraits sur le vif de Ben Betsalel et Birom Seck

Bangui 

Pascaline, déplacée depuis plus de 3 mois

Fusain et acrylique sur toile, 122 x 152 cm
Portrait peint derrière un bâtiment, attaché à un arbre.
BenBetsalel@Haessner-6759 
 
 

Pendant vingt jours, nous avons marché.

Pascaline.

Ma famille et moi vivions à Kaga Bandoro où je cultivais une petite parcelle de terrain et je vendais le surplus de ma récolte au marché.

Il était 20 heures quand ils sont arrivés. On a entendu des coups de feu, des gens criaient, on les battait. Je ne savais pas quoi faire. Mes enfants tiraient sur ma robe.

Maman! Maman!

Nous avons commencé à courir. Les balles volaient. À droite, à gauche ; partout où je regardais, il y avait des gens armés. Je me suis arrêtée.

 Maman! Maman!

Mes enfants tiraient sur ma robe. Je tremblais de peur. J'ai commencé à pleurer. Je ne pouvais rien faire, il n'y avait rien à faire. Il faisait sombre, mais je pouvais quand même voir le pont qui traverse la rivière. Nous avons couru dans sa direction. Je suis tombée, mais je me suis remise sur mes pieds et j'ai continué à courir. Sans trop savoir de quelle manière, nous avons traversé et sommes arrivés dans la brousse.

Le lendemain matin, nous avons commencé à marcher à travers la brousse. Nous avons marché pendant 20 jours. Nous marchions chaque jour jusqu’à 19 ou 20 heures.

Maman! Je suis fatigué! Où allons-nous dormir?

 J'ai supplié mes enfants de ne pas parler, pour ne pas pleurer. Même à ce moment-là, nous pouvions entendre le bruit des coups de feu. Nous n'avions pas de nourriture. Mes pieds étaient gravement enflés mais je n'avais pas d'autre choix que de continuer.

Quand il a plu nous avons bu l'eau tombée dans les nids-de-poule sur la route. Lorsque nous entendions le bruit d’un véhicule, nous retournions dans la brousse pour nous cacher et attendre son passage.

Jusqu'à ce que nous arrivions à Bangui, je pensais que nous allions tous mourir. Mes enfants étaient si fatigués et maigres.

 En arrivant au marché de la capitale, j'ai  rencontré une de mes anciennes clientes de Kaga Bandoro. Elle a été choquée de nous voir en si mauvais état.

Qu'est-ce qui est arrivé à tes pieds?

Nous nous sommes toutes les deux mises à pleurer.