"J'ai dû tout quitter"

 

Ngabou a perdu son seul moyen de subsistance

Portraits sur le vif de Ben Betsalel et Eric Samson Chege

Province du Lac

Ngabou, déplacé depuis quatre ans

Fusain et acrylique sur toile, 122 x 152 cm
Portrait peint à l'intérieur d'un hangar
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Nous souffrons, nous n'avons pas une vie décente.

Ngabou.
Nous venons d'une île du lac Tchad à l'ouest d'ici. Là-bas, nous menions une vie paisible d’élevage et de pêche. Lorsque notre village fut attaqué il y a quatre ans, nous avons dû tout quitter pour sauver nos vies. Nous n'avions pas le choix.

Nous avons traversé plus d’une vingtaine d’étendues d’eau pour arriver ici marchant sur des herbes flottantes. Toutes nos pirogues ont été volées. Ceux qui savaient nager s’agrippaient au ngoro, une sorte de bois utilisé pour traverser. Le voyage ne fut pas facile. De nombreuses personnes ont été séparées de leurs familles.

Nous avons eu du mal à nous adapter à ce nouvel environnement. Ici, le manque de nourriture est notre principal problème car nous n'avons pas assez de terres fertiles pour subvenir à nos besoins. Nous ne pouvons plus aller pêcher pour éviter d’être assimilés à des groupes armés. C'est la raison pour laquelle nous restons ici sur la terre ferme.
Nous prenons soin de notre communauté. Beaucoup sont avec nous, mais nous souffrons, en fait, nous n’avons pas une vie décente. Nous attendons de l’aide de la part de l’Etat. 

[Le téléphone portable de Ngabou sonne. On lui apprend qu’un membre de la communauté est décédé et que les préparatifs pour les funérailles doivent débuter. Il appellera lorsque nous aurons fini]
 
 
 

 « Les notions de nationalités sont secondaires »

«Le voyage a été long et l’environnement est rude - de forts vents attirent le sable du désert et vous le jettent à la figure. À cette période de l'année, les conditions sèches et fragiles rendent difficile la pose des toiles sur les cadres en bois, mais nous les avons finalement fabriquées.

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En parlant avec des gens ici qui ont été forcés de quitter leur maison à cause du conflit, les notions de nationalité ou de frontières semblent avoir moins d'importance que l’appartenance à une tribu ou à une communauté spécifique. Certaines personnes se disent tchadiennes, même si elles viennent de l’autre côté de la frontière.

Depuis 1960, selon certaines recherches, le lac Tchad a perdu environ 90% de son volume. En fonction de la période de l'année, les niveaux d'eau montent et descendent, rendant la région difficile à naviguer.»

-Ben Betsalel-