"J'ai dû tout quitter"

 

Clémentine s'est sacrifiée pour sauver son fils

Portraits sur le vif de Ben Betsalel et Birom Seck

Bangui 

Clémentine, déplacée depuis plus de 20 mois

Fusain et acrylique sur toile, 122 x 152 cm
Portrait peint près d'une rivière, juste avant le couvre-feu 
BenBetsalel@Haessner-6733 

J'ai trouvé mon enfant avec cet homme qui a dit que je pouvais l'emmener mais que cela allait me coûter cher…

Clémentine.

Je vivais à Zamgba, pas très loin du centre du pays. C'était un jour normal à la fin du mois de mai. Mon mari pêchait au bord de la rivière et je travaillais dans les champs. Soudain, il y a eu des coups de feu et un chaos total. J'ai sauté dans la rivière et nagé de l'autre côté. Je me suis cachée dans la brousse avec une autre femme. J'ai attendu un moment que ça se calme, puis j'ai retraversé la rivière.

J'ai retrouvé mon mari et nous avons rassemblé notre famille. Tous étaient présents sauf un de nos fils. Il avait disparu. Mon mari est allé le chercher. Il n'est pas revenu.

Au bout d'un moment, je suis rentrée chez nous et j'ai vu que mon mari avait été abattu. À l'intérieur de la maison, j'ai trouvé mon enfant avec cet homme qui a dit que je pouvais l'emmener mais que cela allait me coûter cher…

Ils ont brûlé ma maison avec tout ce qui se trouvait à l'intérieur, y compris dix sacs de grains de café. J'ai tout perdu, nous avons été dépouillés de tout. Je remercie Dieu d'avoir au moins réussi à sauver mon fils.

Quand nous sommes arrivés à Bangui, nous n'avions rien. Des personnes travaillant pour l'église nous ont donné des vêtements, de la nourriture et un abri. J'ai rencontré une juriste qui m'a aidée à surmonter mon traumatisme. J'ai recommencé à ressentir des moments de bonheur. Je suis reconnaissante d'être en bonne santé. Je réalise à quel point je suis incroyablement chanceuse d'avoir réussi à traverser tout cela sans contracter le sida.

Dans ma vie aujourd'hui, j'ai souvent des dettes mais je suis reconnaissante parce que mes enfants sont en sécurité. Ils ont de la nourriture, un logement et peuvent aller à l'école. Ce n'est certainement pas le cas pour beaucoup d'autres familles qui, comme nous, ont dû tout laisser derrière elles.