Cette lettre d’info spéciale est consacrée à l’emploi et à la protection de l’emblème : son origine, sa raison d’être, sa stricte réglementation, les sanctions de son abus. L’emblème distinctif a une vocation exclusivement humanitaire.
Il sert à respecter et protéger ceux qui, dans les conflits armés, se portent au secours de ceux qui sont désarmés ; ce faisant, il permet de garantir aux personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités qu’elles pourront être secourues en toute sécurité. Il est donc indispensable que sa finalité soit connue et que son emploi soit strictement réglementé.
Un chapitre entier de la Première Convention (le chapitre VII) est consacré à l’emploi et à la protection d’un emblème distinctif : la croix rouge sur fond blanc. L’ article 38 précise toutefois que « pour les pays qui emploient déjà comme signe distinctif à la place de la croix rouge, le croissant rouge ou le lion et le soleil rouges sur fond blanc, ces emblèmes sont également admis ».
C’est la toute première Convention de 1864 qui institua la « croix rouge sur fond blanc » ( article 7, al. 3) comme signe unique et uniforme destiné à protéger les personnels des services de santé des armées, les hôpitaux, les ambulances, les blessés.
Marque visible de leur immunité et de leur neutralité, la « croix rouge sur fond blanc » avait été choisie en « hommage pour la Suisse », « par interversion des couleurs fédérales » ( article 38, al. 1).
Aussi, tous ces emblèmes distinctifs doivent être considérés comme des symboles universels de neutralité et de protection, dénués de toute signification religieuse, idéologique ou partisane. Ils ont le même statut, ainsi qu’en dispose le Protocole additionnel III de 2005 ( art. 2, par. 1).
Ils ont le même but : les personnels désignés doivent être facilement indentifiables pour être respectés et protégés. (voir par. 2546 et s.).
Les trois emblèmes distinctifs : la croix rouge, le croissant rouge et le cristal rouge.
Qui peut arborer l’emblème ?
Les articles 38 et 39 définissent les personnes qui ont le droit de porter l’emblème protecteur aux fins de la Première Convention.
Relevons que bien que l’emblème soit le signe distinctif du Service sanitaire des armées, un certain nombre d’autres personnes et entités sont autorisées à arborer l’emblème distinctif : toutes les composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge figurent parmi celles-ci. Pour les États qui sont parties au Protocole additionnel I, l’article 18 de ce Protocole étend au personnel sanitaire civil, permanent et temporaire, ainsi qu’au personnel religieux, tel que défini par le Protocole, le droit de porter l’emblème (et de posséder une carte d’identité munie de l’emblème).
Selon l’article 39, l’emblème peut être utilisé par le service de santé des armées « sous le contrôle de l’autorité militaire compétente » (par. 2570 et s.) et figurer sur les drapeaux, les brassards ainsi que sur tout le matériel se rattachant au Service sanitaire (par. 2576 et s.).
Le paragraphe 2572 établit la liste des personnes, établissements, unités et moyens de transport autorisés à arborer l’emblème distinctif conformément à la Première Convention.
Afin que les personnels sanitaires et religieux des forces armées soient identifiés en tant que tels sur le champ de bataille ou, lorsqu’ils tombent au pouvoir de l’ennemi, qu’ils soient respectés et protégés, l’article 40 précise leurs moyens d’identification– les brassards et les cartes d’identité – ainsi que leurs caractéristiques.
Les paragraphes 2585 et s. du Commentaire de la CG I définissent l’objectif du port du brassard ainsi que de vêtements ou de coiffes marqués de l’emblème ; le personnel ayant le droit de porter le brassard ; ses caractéristiques ; la manière dont il doit être porté et utilisé, étant rappelé que « le brassard ne confère pas, en soi, une protection ; il n’est qu’un signe extérieur du statut protégé d’une personne. C’est, toutefois, un des moyens de faciliter son identification ».
Ces dispositions sont complétées par l’article 41 relatif à l’identification des personnels sanitaires temporaires (par. 2616 et s.).
Sur quels formations et établissements l’emblème peut-il être arboré ?
L’article 42 précise comment et sous le contrôle de qui l’emblème à usage protecteur doit être arboré sur les formations et établissements sanitaires militaires qui doivent être respectés et protégés en vertu de l’article 19 de la Première Convention.
En outre, aux termes de l’article 42, les États ont l’obligation de « prendr[e] [...] les mesures nécessaires pour rendre nettement visibles aux forces ennemies terrestres, aériennes et maritimes, les emblèmes distinctifs signalant les formations et les établissements sanitaires, en vue d’écarter la possibilité de toute action agressive ». Aussi, le drapeau distinctif de la Convention est employé à titre protecteur (par. 2632 et s.) et, dans cet objectif, ce drapeau doit obéir à de strictes caractéristiques (par. 2644 et s.)
Exercice de formation militaire, Libéria.
L’article 43 régit la signalisation des formations sanitaires des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ou d’autres sociétés de secours volontaires issues de pays neutres qui sont autorisées à prêter leurs concours à une partie au conflit conformément aux dispositions de l’article 27.
Enfin, l’article 44 énonce la distinction fondamentale entre l’usage protecteur et l’usage indicatif de l’emblème. Il impose les garanties les plus strictes à l’usage de l’emblème à titre protecteur, tout en permettant aux Sociétés nationales d’utiliser l’emblème à titre indicatif de manière appropriée, y compris lors d’un conflit armé, sous réserve de respecter certaines conditions.
Cet article définit les circonstances dans lesquelles les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge peuvent faire usage de l’emblème à titre indicatif ; par ailleurs, il autorise le CICR et la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à se servir de l’emblème en tout temps (voir par. 2685 et s.). En pratique, le CICR est habilité à faire usage de l’emblème à titre protecteur (donc, au cours des hostilités).
Notons que le CICR utilise toujours le même emblème quelles que soient les circonstances. Et qu’en pratique, il utilise à des fins de protection son « macaron » comme logo (c’est-à-dire une croix rouge entourée de deux cercles concentriques entre lesquels sont inscrits les mots « COMITE INTERNATIONAL GENEVE »).
Emblème du CICR et logo du CICR.
Relevons aussi que l’alinéa 4 de l’article 44 instaure aussi une possibilité limitée de l’usage de l’emblème par d’autres acteurs dans deux cas précis : pour signaler les véhicules utilisés comme ambulances et pour marquer l’emplacement des postes de secours destinés aux soins gratuits pour les blessés ou les malades (par. 2690 et s.).
Soulignons enfin que l’article 53 interdit les abus d’emblème et que tout abus peut être sanctionné.
Ghislaine Doucet Conseiller juridique principal Responsable de la production en français des Commentaires actualisés des Conventions de Genève
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