« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances » : tel est le libellé de l’article 1 commun aux quatre Conventions de Genève (CG) de 1949. Tous les États se sont donc ainsi engagés puisque tous les États (196) ont signé, ratifié ou adhéré aux 4 Conventions.
Cette obligation s’applique aux dispositions des CG relatives aux conflits armés internationaux (CAI), aux situations d’occupation, ainsi qu’aux conflits armés non internationaux (CANI) (couverts par l’art. 3 commun des 4 CG). On retrouve la même formule à l’article 1 du Protocole additionnel 1 de 1977. On la trouve aussi, plus largement exprimée, à la règle 139 de l’étude de DIH coutumier.
Placée en ouverture des Conventions, cette obligation n’est pas une simple formule de style. Elle est placée là pour montrer d’emblée que, dans les conflits armés, lorsque plus aucun corpus juridique ne s’applique, lorsque tout est devenu exception, le DIH, spécialement conçu pour s’appliquer dans les situations de « non-droit » (les guerres), reste, s’impose, exclusivement, obligatoirement, à tous : nul ne peut y déroger sous peine d’être poursuivi et sanctionné.
Ce sont les victimes et les personnes confrontées à des conflits armés, mais aussi la communauté internationale en son entier qui ont intérêt à ce que cette obligation soit observée. Ainsi, chaque individu est en droit d’exiger que les dispositions du DIH soient respectées, ainsi que le TPIY l’avait rappelé en 2000 (TPIY, Procureur c. Zoran Kupreskic et consorts, 14 janvier 2000, § 519).
Destinataires de l’obligation : il s’agit d’une obligation qui s’impose non seulement aux États parties à un conflit armé, mais aussi, de manière générale, à toutes les « Hautes Parties contractantes », autrement dit aux États non belligérants qui doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les États belligérants respectent le DIH. Le DIH s’applique aussi aux États qui fournissent des contingents dans le cadre d’opérations conduites sous les auspices d’une organisation internationale, d’une alliance permanente ou d’une coalition ad hoc, mais aussi aux forces de l’ONU (voir plus bas).
En outre, bien qu’elle ne s’adresse qu’aux « Hautes Parties contractantes », il est désormais admis que cette obligation s’impose aussi à des groupes qui ne sont pas des États. Ainsi en est-il des groupes armés non étatiques, mais aussi des organisations internationales. Si ces groupes et organisations ne sont pas directement liés au DIH (puisqu’ils ne sont pas « contractants »), ils sont en revanche tenus de le « respecter et le faire respecter », ainsi que la Cour internationale de justice (C.I.J.) a eu l’occasion de l’indiquer et le rappeler.
Que signifie l’expression « respecter et faire respecter » ? Et comment « faire respecter » ?
L’obligation de « respecter » s’impose aux HPC dès le temps de paix afin que chaque HPC soit préparée et ait pris toutes les mesures qui s’imposent, par exemple faire connaître le DIH de ses forces armées et de sa population.
En période de CA, l’obligation de « faire respecter » s’adresse en tout premier lieu aux HPC, parties à ce CA, qui doivent s’assurer que leurs forces armées, leur population et plus généralement tous ceux qui sont sous leurs ordres ou leur juridiction, se conforment au DIH. Les États peuvent ainsi prendre diverses mesures et notamment : organiser strictement la protection des personnes visées par les 4 CG (blessés, malades, naufragés, PG, personnes civiles) ; prévoir des dispositions pénales pour en punir les violations, …
S’agissant des autres HPC, autrement dit, des États « tiers » au conflit armé, elles sont tenues, selon l’article 1 commun, de « faire respecter » le DIH par les États belligérants. Elles doivent donc faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les belligérants respectent le DIH et l’appliquent scrupuleusement.
Cette « obligation de faire respecter par les autres a été explicitement entérinée par la Cour internationale de Justice (C.I.J.), le Conseil de sécurité des Nations unies, la Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et par les Hautes Parties contractantes dans d’autres fora » (§ 156, commentaire CG I, § 178, commentaire CG II).
On parle à ce sujet d’une obligation négative et d’une obligation positive : « En vertu de l’obligation négative, les Hautes Parties contractantes ne peuvent ni encourager la commission de violations des Conventions par les parties à un conflit, ni les aider ou les assister. Selon l’obligation positive, ils doivent faire tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir afin de prévenir et faire cesser ces violations. » (§ 154 Commentaire CG I et § 176 Commentaire CG II)
S’agissant de l’obligation positive, on considère qu’il s’agit d’une « obligation de comportement et non de résultat » (C.I.J., Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, fond, arrêt, 2007, par. 430) et les commentaires des CG I et II énumèrent diverses mesures individuelles et collectives destinées à faire respecter les Conventions par les autres (§ 180 et s. CG I ; § 202 et s. CG II). Voir aussi règles 144 à 148 de l’EDC.
En fait, les États tiers sont tenus à une « obligation d’influence ».
Dans plusieurs CA, le CICR a appelé les États tiers à user de leur influence auprès d’États belligérants pour inciter ceux-ci à respecter le DIH et les dissuader d’en violer les dispositions. Voir, de manière générale, l’« Appel du CICR pour une mobilisation humanitaire » et « Les démarches du Comité international de la Croix-Rouge en cas de violations du droit international humanitaire ou d’autres règles fondamentales qui protègent la personne humaine en situation de violence ».
Il convient enfin de rappeler que l’article 1 commun ne donne pas aux États un « blanc-seing » pour intervenir « militairement » afin que cessent des violations du DIH. L’article 1 commun ne saurait servir de fondement pour justifier un recours à la force ou pour le légitimer. Ces questions relèvent du jus ad bellum (Charte des NU) et non du DIH. Lire à ce sujet : Position du Comité international de la Croix-Rouge sur l'«intervention humanitaire».
Enfin, cette obligation de « respecter et faire respecter » s’applique « en toutes circonstances », c’est-à-dire indépendamment du motif du conflit, de sa « justesse », de sa « légitimité » ou de sa « licéité » au regard du jus ad bellum ; cette obligation « subsiste même en l’absence de réciprocité » (règle 139 EDC).
Ghislaine Doucet Responsable de la production en français des Commentaires actualisés des Conventions de Genève
|